Mario D'Eercommuniquez avec moi

Enseignant, auteur, biérologue

Les brunes et rouges des Flandres, des bières estivales mésestimées


Je vous proposais, dans ma plus récente chronique, mes bières favorites pour étancher la soif du pauvre mortel que je suis, pendant les torrides journées de l’été. Au menu estival, figuraient les blanches et les pilseners d’origine. Un autre type de bière sait courtiser les papilles en honorant avec beaucoup de grâce, le besoin de désaltération de personnes dont les préférences diffèrent. Il s’agit de bières aigrelettes, qui exercent sur notre soif le même effet que les limonades. À l’instar des boissons d’agrumes, elles nous sont offertes en deux principales interprétations: celles qui respectent leurs origines acides et les exécutions modernes, plus sucrées quoi! Leurs popularités, jadis étincelantes en Belgique, s’affadit au profit des pils légèrement houblonnées.

Je me suis déjà pâmé devant cette bière, mais je dois avouer que la dernière que j’ai goûtée était édulcorée au sucre. Un défaut majeur à l’autel de mes papilles.

Les brunes et rouges des Flandres prennent naissance à l’époque où l’action de la levure n’était pas encore soumise aux inquisitions microscopiques. Le moût fraîchement sorti de la cuve d’ébullition était alors pompé à l’étage supérieur de la brasserie afin d’être refroidi par l’air frais de la nuit. Il s’agissait également d’une façon d’inoculer le moût de façon spontanée. Cette façon d’insuffler la vie aux liquides sucrés fut considérablement modifiée lorsqu’on a développé des méthodes de culture de la levure. Certaines maisons ont maintenu les pratiques ancestrales. Il en est ainsi des brasseurs de lambics, aujourd’hui concentrés dans la région de Bruxelles. Il importe de souligner ici que la recette de base de ces célèbres bières est semblable au brassage des blanches. Elle nous donne ainsi des bières blondes.


D’autres brasseurs de la région des Flandres occidentales ont, quant à eux, adapté les méthodes «d’ajout de levures» tout en maintenant un lien traditionnel. Ils élaboraient une bière impeccable sur le plan de la fermentation moderne, mais faisaient vieillir leurs nectars dans des foudres de chêne. Des bactéries dissimulées dans les pores du bois se chargeaient tout simplement d’acidifier le nectar. Ils annulaient ainsi les propriétés gustatives de la levure pour lui substituer celui des bactéries! Disposant alors d’inventaires de «bonnes» bières et de bières aigries, ils pouvaient ainsi embouteiller des assemblages contenant les deux versions, en dosant judicieusement les proportions de chacune. De cette façon, ils adoucissaient l’acidité avec de la bière seulement. Lorsque la bière pure était proposée, on mentionnait sur l’étiquette «Grand Cru» associé à la marque de commerce. Par exemple, la «Rodenbach Grand Cru» ne renferme que des brassins acidifiés alors que la «Rodenbach» tout-court est un mélange des deux techniques de fermentation. La stabilité de la Grand Cru est assurée par son aigreur tandis que la «tout-court» est plutôt instable. Les saveurs s’aigrissent effectivement avec l’âge du produit et traverse des phases plutôt incertaines. Il ne s’agit donc pas d’un achat facilement recommandable à l’extérieur de la Belgique. Quant à la Grand Cru, il s’agit bel et bien d’un produit livrant sa marchandise selon le protocole gustatif déterminé par le brasseur. Il est offert par la société des alcools du Québec (3,90$). Notons au passage qu’elle est présentée comme étant un lambic, ce qui constitue de la fausse représentation. N’empêche qu’il s’agit d’une grande bière à découvrir. Notre vénérable SAQ propose également, la Duchesse de Bourgogne à un prix plus accessible de 2,90 $. Celle-ci est toutefois présentée comme une «Ale brune»!



Les bons dépanneurs vous proposent quant à eux la famille Liefmans: la Kriek (aux cerises), la Frambozen (aux framboises) et la Goudenband (signifiant «ruban d’or»). La Frambozen est de loin celle qui plaît à la majorité des papilles. Je la recommande toutefois surtout au dessert! Édulcorée et aromatisée aux framboises, elle ne ressemble en rien aux versions originales de la brasserie. Elle n’en demeure pas moins un must pour tout amateur de bière qui se respecte.


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article rédigé en 2001